vendredi 12 juillet 2019

COURT MÉTRAGE : WITCHFINDER (Colin Clarke, 2013)

L'affiche de Witchfinder annonce clairement un hommage au Grand Inquisiteur (The Witchfinder General, 1968) de Michael Reeves : la tenue du chasseur de sorcières, ses cheveux longs et sa barbe grise font plus qu'évoquer le Matthew Hopkins incarné par Vincent Price. Pourtant, les similitudes entre les deux œuvres se bornent à l'apparence et à la caractérisation d'un personnage d'inquisiteur aux jugements expéditifs et à la moralité douteuse. Pour le reste, le court métrage de Colin Clarke est plus proche du gothique flamboyant de la Hammer (celle des Sévices de Dracula, Twins of Evil, 1971) que du réalisme morbide du film de Reeves. L'influence de Mario Bava est beaucoup plus marquée : le supplice du masque hérissé de pointes acérées renvoie à l'ouverture du Masque du démon (La Maschera del demonio, 1960), tandis qu'un spectre féminin glissant sur le sol vers sa victime tétanisée reproduit un effet fameux -- mais aujourd'hui trop familier -- du dernier sketch des Trois visages de la peur (I tre volti de la paura, 1963). Witchfinder s'apprécie donc avant tout pour ses références esthétiques, que Clarke assume avec une efficacité méritoire dans le contexte d'une production que l'on devine peu huppée. A défaut d'un scénario très original (la malédiction proférée sur le bûcher par une sorcière frappe son exécuteur), le film bénéficie de réelles qualités plastiques et d'un soin tout particulier apporté aux décors et aux costumes d'époque (seul l'intérieur du foyer de l'inquisiteur William Thatcher Blake est peu crédible). Dave Juehring est plutôt convaincant en émule de Matthew Hopkins, qui se différencie toutefois de son modèle par son statut de père de famille affectueux -- mais infidèle à son épouse. En outre, le Mal qu'il combat avec un fanatisme pervers n'a rien d'imaginaire ; contrairement à Hopkins, qui s'appuyait sur des accusations fallacieuses pour assouvir son sadisme et sa vénalité, Blake est ici confronté à une sorcière authentique qu'il appréhende en pleine séance d'envoûtement. Ses agissements n'en sont pas moins blâmables, mais se trouvent partiellement justifiés. Le film annonce modestement le climat de The Witch (Robert Eggers, 2015) et opte lui aussi pour une affirmation du surnaturel -- apportant par contrecoup une légitimation de l'obscurantisme puritain. Son ancrage dans une  période tourmentée quelque peu négligée par le cinéma d'épouvante fait toute son originalité. C'est la sixième réalisation de Colin Clarke, après quatre courts d'animation en 3D et un premier essai de fiction horrifique datant de 1994. Sa dernière production, Slit, est un hommage de onze minutes au giallo, qui fut intégré en 2018 au film à sketches Welcome to Hell.
Witchfinder est visible en VO sur YouTube.


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