vendredi 6 septembre 2019

THE PUPPET MONSTER MASSACRE (Dustin Mills, 2011)


Pour un cinéaste amateur œuvrant dans l'horreur à micro-budget, la technique de l'animation offre un avantage non négligeable : elle évite l'emploi de comédiens et les difficultés qu'ils peuvent occasionner. C'est sans doute ce qu'estima Dustin Mills en s'attelant à son premier film, The Puppet Monster Massacre, coup d'envoi d'une œuvre farouchement personnelle et d'une stupéfiante prolixité (vingt-huit titres en neuf ans, courts et longs métrages confondus). Mais cette commodité présente un sérieux revers : l'animation est un art difficile et chronophage, nécessitant des compétences dont Mills n'était pas forcément pourvu. Plutôt que le dessin ou la stop motion, il opta pour des marionnettes à mains évoluant dans des décors numériques. Il conçut le look de toutes les poupées, en confia la confection à sa mère, et réalisa le film en un an, avec l'aide d'un unique assistant, Brandon Salkil, qui prête également sa voix à l'un des personnages.
Le résultat est glorieusement artisanal et sert idéalement les intentions parodiques de Mills, auteur d'un scénario truffé d'hommages à différentes déclinaisons du fantastique et de l'horreur. La teen horror, l'épouvante gothique, le creature feature dans la lignée des séries B des années 1950 sont passés à la moulinette d'un humour absurde autant qu'irrévérencieux, et agrémentés d'un soupçon de nazisploitation et d'érotisme "muppetesque", reflétant le goût du cinéaste pour les "mauvais genres".
L'intrigue suit un schéma classique : cinq adolescents reçoivent une invitation à se rendre au château de l'inquiétant Wolfgang Wagner. Celui ou celle qui parviendra à y passer la nuit touchera une récompense d'un million de dollars -- on reconnaît là un hommage à La Nuit de tous les mystères (William Castle, 1959), d'ailleurs cité par l'un des personnages. Le péril consiste en un monstre vorace engendré par Wagner, qui s'avère être un ancien nazi ayant jadis créé une armée de zombies pour Hitler. Le savant fou n'a pas choisi ses hôtes au hasard : ils sont les descendants de soldats alliés ayant détruit le fruit de ses travaux et tué sa femme. Comme il se doit, chaque teenager correspond à un stéréotype : Charlie est un garçon plein de bonnes intentions mais un peu benêt, Gwen est sa fiancée obligeante, Raimi est un nerd incurable fan de cinéma d'horreur, et un couple de punks en chaleur joue les trublions forts en gueule.
Mills caractérise habilement chacun d'eux et parvient à les rendre aussi attachants, sinon davantage, que les protagonistes en chair et en os de la plupart des slashers. Leurs réactions ingénues à des situations clichéiques sont rafraichissantes et génèrent l'essentiel du comique du film. Un comique qui n'est pas toujours d'une grande finesse (les gags scatologiques abondent), mais qui atteint généralement son but. Difficile de ne pas rire de la couardise de Raimi, tétanisé de peur devant les objets les plus anodins -- un rocher, une porte, un lapin. La gentillesse de Charlie, qui souhaite empocher le million pour rouvrir le magasin familial, n'a d'égal que sa naïveté, source de savoureux moments. Angoissé par la perspective de coucher avec Gwen (en ce sens, il est l'antithèse des héros traditionnels du slasher), il panique lorsque Wagner annonce qu'ils partageront la même chambre. Sa crainte du sexe est lourdement brocardée par son grand-père, toujours vert et vaillant. Cet ancien GI au tempérament bouillonnant est une autre figure marquante du film ; il viendra au secours des adolescents à la tête d'une armée lors d'un finale apocalyptique où les tanks affrontent la créature devenue colossale, dans un déluge de flammes et de sang.


Toutes ces mésaventures, même les plus atroces, gardent un caractère bon enfant dont témoigne le flashback sur le passé nazi de Wagner, qui tourne au cartoon musical gore. On retrouve cette humeur folâtre dans la plupart des productions ultérieures de Mills. Les plus sombres d'entre elles, comme Applecart (2015), jouent souvent du contraste entre la noirceur du propos et la tonalité enjouée de la narration, suscitant un malaise plus probant que celui quêté par certains apôtres du trash straight. Pour autant, Mills ne cessera d'affirmer par la suite un nihilisme foncier. On le perçoit ici dans la façon dont la nature aimable et l'obligeance de Charlie sont en quelque sorte châtiés par les événements. La malchance le poursuit, il ne tire aucun profit du courage dont il se croit d'ailleurs dépourvu, et il perd sa fiancée dans l'aventure. Dans une séquence amèrement hilarante, il se recueille sur la tombe de ses parents et leur demande de lui adresser un signe s'ils pensent qu'il doit refuser l'invitation de Wagner. La foudre s'abat alors sur un arbre derrière lui. Croyant peut-être à une coïncidence, il ne tiendra pas compte de l'avertissement. Ce mélange de pathétisme, de fatalisme et de dérision résume parfaitement l'esprit du cinéaste.