Première réalisation d'un acteur de séries télévisées, Vile est une variation décomplexée sur les thèmes et l'imagerie de Saw 2.
Deux
couples de campeurs prennent à bord de leur véhicule une fringante
quadragénaire en panne de voiture. Promptement gazés par la cougar, ils se
réveillent dans une maison décrépite où sont enfermées quatre autres personnes.
Un message vidéo délivré par une femme inquiétante les informe que des petites
fioles ont été implantées à la base de leurs crânes afin de récolter des
composants chimiques fabriqués par le cerveau. Ces sécrétions, destinées à la
confection d'une nouvelle drogue, ne sont produites que sous l'effet d'une
douleur intense. Les prisonniers se voient donc contraints de s'entre-torturer
jusqu'à ce que les fioles soient remplies. Pour ce faire, ils disposent d'un
délai de vingt-deux heures, après lequel ils seront libérés – ou tués en
cas d'échec.
Bien que peu plausible, l'élément générateur des tortures s'avère
original et particulièrement pervers. Comme dans Saw 2, le soin de se
mutiler est laissé aux victimes (le générique, montrant le charcutage d'un
homme par une chirurgienne, laisse néanmoins penser que les trafiquants
n'hésitent pas à mettre occasionnellement la main à la pâte) ; mais la
motivation des antagonistes, contrairement à celle de Jigsaw, est strictement
lucrative. Pour les victimes, la liberté dépend de la douleur qu'ils
consentiront à infliger et à subir.
Le scénario d'Erick Jay Beck1 et Rob Kowsaluk renchérit sur le nihilisme habituel au sous-genre, en démontrant la facilité avec laquelle tout individu consent à s'improviser bourreau, dès lors que son existence est en jeu. Les considérations sur les moyens de se tirer d'affaire autrement qu'en se martyrisant sont rapidement écourtées, et la question d'attendre l'écoulement du délai imparti pour affronter les instigateurs du piège est à peine évoquée. La plus ardente à entamer les festivités est Kelly (Stefanie Barboza), une virago à l'agressivité polymorphe, dont chaque proposition déborde d'égoïsme et de cynisme, sans pour autant susciter de réactions franchement hostiles chez ses compagnons. Elle ne sera rejetée par le groupe qu'après avoir tenté de poignarder Tony (Akeem Smith), qui avait coupé court à ses protestations en lui décochant un direct. Dans une scène d'une belle outrance, elle tranche involontairement la gorge de la fiancée de Tony en voulant échapper à la torture. Si elle est le personnage le plus négatif parmi les prisonniers (elle propose de sacrifier l'élément le plus faible, qu'elle avait préalablement torturé avec une belle énergie), il faut bien avouer que la patience de ses compagnons à son égard ne plaide guère en leur faveur.
Le scénario d'Erick Jay Beck1 et Rob Kowsaluk renchérit sur le nihilisme habituel au sous-genre, en démontrant la facilité avec laquelle tout individu consent à s'improviser bourreau, dès lors que son existence est en jeu. Les considérations sur les moyens de se tirer d'affaire autrement qu'en se martyrisant sont rapidement écourtées, et la question d'attendre l'écoulement du délai imparti pour affronter les instigateurs du piège est à peine évoquée. La plus ardente à entamer les festivités est Kelly (Stefanie Barboza), une virago à l'agressivité polymorphe, dont chaque proposition déborde d'égoïsme et de cynisme, sans pour autant susciter de réactions franchement hostiles chez ses compagnons. Elle ne sera rejetée par le groupe qu'après avoir tenté de poignarder Tony (Akeem Smith), qui avait coupé court à ses protestations en lui décochant un direct. Dans une scène d'une belle outrance, elle tranche involontairement la gorge de la fiancée de Tony en voulant échapper à la torture. Si elle est le personnage le plus négatif parmi les prisonniers (elle propose de sacrifier l'élément le plus faible, qu'elle avait préalablement torturé avec une belle énergie), il faut bien avouer que la patience de ses compagnons à son égard ne plaide guère en leur faveur.
Plus que par une intrigue
rebattue, Vile surprend par son « incorrection
politique ». La première victime, spontanément attaquée par les autres,
est un Noir ; l'hystérique Kelly est une asiatique surnommée
« Pinehead » (ananas) par l'un des protagonistes ; Greg (Rob
Kirkland) se dit prêt à torturer les femmes, sans égard pour les « merdes
féministes » qu'elles pourraient objecter. Du reste, les personnages les
plus menaçants sont féminins, qu'il s'agisse de la cougar responsable des
kidnappings, de la chirurgienne du générique, de l'ingérable Kelly, ou de la
femme du message vidéo – brève mais mémorable interprétation de Maria Olsen,
dont les traits inquiétants et le sourire forcé imposent un malaise
plus profond que tous les effets gore du film (arrachage d'ongles et brûlures
au fer à repasser sont certes impressionnants, mais moins spectaculaires que
les débordements de la franchise Saw).
Vile se distingue enfin par le tour imprévu, aux
confins du grotesque, qu'il donne au puritanisme traditionnel du « torture
porn » américain. Une allusion de l'un des prisonniers nous apprend que
les substances tant convoitées – l'adrénaline, l'ocytocine et la dopamine – ne
sont pas seulement secrétées dans les moments de douleur mais aussi lors de
l'activité sexuelle. Plutôt que de se torturer, il suffirait aux sept jeunes
gens de faire l'amour pour remplir les fioles. Kelly écarte catégoriquement cette
suggestion avec l'assentiment tacite du groupe, qui n'évoquera plus jamais la
question. Le refus du sexe et son déplacement dans la violence pourraient
difficilement être illustrés plus éloquemment, ni de façon plus délirante.
Baiser est considéré sans détour comme plus avilissant que de mutiler ses
semblables ; l'application et l'épreuve de la douleur sont des actes plus
nobles que le don et la réception du plaisir. En d'autres termes, la performance
sadomasochiste est posée comme le meilleur substitut de l'acte sexuel, et leur
affinité est fallacieusement ignorée – Sam (Greg Cipes) insiste pour que ses
organes génitaux soient épargnés par les supplices, ce que ses compagnons
acceptent comme une évidence. Il faut dire que la notion de virilité est
suffisamment malmenée tout au long de l'intrigue, pour que soit préservés ses
attributs physiques.
Vile offre un exemple supplémentaire de
bannissement de la torture sexuelle dans le cinéma d'horreur américain mainstream
(bien qu'étant une production indépendante, le film n'entre pas dans la
catégorie underground), où elle ne peut s'exprimer que sous l'espèce du
viol et de sa punition, au sein du sous-genre bien délimité qu'est le rape
and revenge.
1
Egalement interprète de l'un des protagonistes, Nick.
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