mardi 27 octobre 2015

INVITATION ONLY (Jue Ming Pai Dui, Kevin Ko, 2009)




Qualifié de "premier slasher taïwanais" par le matériel publicitaire, mais relevant pleinement du « torture porn », Invitation Only se présente comme un repompage basique de la trilogie Hostel, et particulièrement de son dernier opus. Chauffeur particulier de riches entrepreneurs, Wade Chen (Bryant Chang) se voit offrir une invitation à une soirée privée par l'un de ses clients, le président Yang (Jerry Huang), en échange de son silence sur la liaison de ce dernier avec le top modèle Dana (Maria Ozawa). Se faisant passer pour le cousin de Yang, Wade découvre que la party, présidée par un certain Warren (Kristian Brodie), vise à récompenser de jeunes membres de la haute société en exauçant leur souhait le plus cher. Wade se lie avec les heureux élus, mais il s'avère que, tout comme lui, ils sont des imposteurs, et que le but de la soirée est de punir leur usurpation en les torturant devant un parterre de millionnaires.


L'intrigue, identique à celle des films d'Eli Roth (le déplacement touristique en moins), reprend le décorum théâtral de Hostel, Chapitre III. Comme chez Scott Spiegel, les protagonistes évoluent dans un univers de jeu, de poules mondaines (le personnage de Dana, confié à la star du porno japonais, Maria Ozawa) et de luxe clinquant. 

Kevin Ko met l'accent sur le thème des inégalités de classe, plus discret chez Roth et inexistant chez Spiegel, où victimes et bourreaux partageaient peu ou prou le même statut social. Ici, la lutte est d'autant plus âpre qu'elle est le fait des deux partis. Warren, l'ordonnateur du carnage, ne cherche pas seulement à sanctionner les prétentions d'une plèbe qu'il exècre, mais à se venger d'une expérience traumatisante : son enlèvement et l'assassinat de sa sœur par des demandeurs de rançon, lorsqu'il était enfant. Si les défavorisés et la classe moyenne lui inspirent tant d'aversion, c'est qu'il s'estime lui-même victime de leur dédain (alors qu'il s'apprête à torturer la jeune Hitomi [Julianne Chu], il la somme d'avouer qu'elle « méprise les riches »). Il inverse une rhétorique qui veut que le dénigrement soit essentiellement le fait des possédants, et se pose en victime d'une injuste dépréciation. Il donne à ses actes une valeur préventive autant que punitive et, en vrai paranoïaque, s'attaque à des individus peu menaçants. Wade n'aurait jamais songé, par exemple, à s'immiscer dans la haute société et à se faire passer pour le cousin de Yang sans l'incitation de ce dernier. Ses compagnons d'infortune, bien que plus enclins à la convoitise, n'ont ni l'habileté ni la détermination d'authentiques arrivistes. L'un d'eux se présente comme un jeune espoir politique, un autre comme un virtuose du piano, et Hitomi prétend diriger une banque, mais tous semblent mal à l'aise dans le monde qu'ils intègrent le temps d'une soirée (lorsqu'on lui propose d'exaucer son vœu le plus cher, Hitomi demande de retrouver son doudou !) Bien que les circonstances de leur présence ne nous soient pas révélées, il y a fort à parier qu'ils furent, comme Wade, victimes de rabatteurs profitant de leur jobardise.


Sorti de ce commentaire social amusant mais sommaire, le film décline son lot de scènes sanglantes d'une efficacité égale à celles de Hostel. La torture sexuelle y a sa part, comme souvent dans le cinéma d'horreur asiatique ; ainsi l'aspirant politicien, après avoir eu un œil crevé et les doigts tranchés, est-il électrocuté au moyen d'une pince crocodile accrochée à son sexe. La traditionnelle lacération d'un visage au scalpel, grand classique du gore depuis le précurseur Les Yeux sans visage (Georges Franju, 1959), est suivie d'une application de gros sel sur les plaies, puis de l'agrafage d'un chiffon à même le crâne. Le supplice ne s'arrête pas là, la victime étant menacée d'une « liposuccion intégrale » avant que l'intervention de Wade n'interrompe la séance. 


Kevin Ko ajoute la souffrance animale aux charcutages humains : une souris (factice) est carbonisée pour tester l'efficacité de la torture électrique, et quelques plans répugnants nous montrent le lent écrasement d'un cancrelat qui s'enfuit en traînant derrière lui ses organes internes. Une scène où Wade prend la place du transporteur de cadavres et découvre l'une de ses amies dans l'entassement de restes sanglants, louche très lourdement vers Hostel
Comme cela se produit parfois, le moment le plus original du film est aussi le plus incongru : la poursuite entre un vieux pickup et une Ferrari flambant neuve. Contre toute logique, la guimbarde parvient à rattraper la voiture de course dans un tunnel situé en plein centre urbain, mais curieusement désert. Cette absence de circulation donne à la scène un caractère onirique bienvenu. 
Au final, Invitation Only n'est pas même une acclimatation des films d'Eli Roth à la culture orientale (ce qui ne serait que justice, après les nombreux remakes U.S. de films d'horreur japonais), mais un démarquage reprenant servilement les recettes américaines. 

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