samedi 19 septembre 2015

STEEL TRAP (Luis Camara, 2007)




L'un des premiers films à afficher d'évidentes similitudes avec Saw est d'origine allemande et ne fut distribué que trois ans après sa réalisation. Steel Trap fut tourné en 2004, soit un an après la mise en chantier du film de James Wan. Il est dès lors hasardeux d'affirmer que ses concepteurs capitalisèrent sciemment sur le succès de ce dernier. Tout au plus peut-on suspecter les distributeurs de s'être décidés à sortir du tiroir ce slasher au faible potentiel commercial, lorsqu'ils s'avisèrent de ses ressemblances avec Saw.
Nous y trouvons un groupe de personnages prisonniers d'un espace désaffecté et exposés aux pièges d'un tueur mystérieux dont les motivations leur (et nous) sont inconnues. Autres éléments communs aux deux films : les composantes ludiques de la machination ourdie par l'assassin (le déplacement des victimes est guidé par des charades), la présence envahissante d'écrans de surveillance, et le motif de la tête de cochon (masque utilisé par Jigsaw et ses acolytes).


L'action se déroule dans un immeuble où un réveillon de Nouvel An est organisé par une chaîne de télévision. Sept invités sont conviés par de mystérieux SMS à rejoindre le vingt-septième étage, où une soirée privée leur est réservée. Le groupe est composé d'un chanteur de rock, d'une chargée de programme, de la présentatrice d'une émission culinaire, d'un couple en conflit, d'un macho et d'une jolie blonde. Sur place, ils découvrent des cartons d'invitation leur attribuant des qualificatifs lapidaires (le macho est traité de « cochon », la chargée de programme de « double face », etc.), ainsi que des charades les orientant vers la sortie de l'étage où ils sont désormais enfermés. Pris en chasse par un tueur masqué de noir, ils trouvent la mort dans des conditions conformes aux défauts qui leur sont reprochés : le « cochon » est saigné à blanc et affublé d'un groin de porc, « double face » a le visage divisé en deux par une hache, une femme accusée d'insensibilité a le torse ouvert à la scie circulaire et le cœur arraché. L'organisatrice de ce piège s'avère être la présentatrice, désireuse de se venger des personnes l'ayant méprisée dans son enfance. Elle tue le dernier survivant après lui avoir révélé son identité, et élimine son complice, le tueur masqué, qui n'était autre que l'un de ses fans.


Steel Trap présente tous les ingrédients du slasher classique : crimes perpétrés durant un jour festif (Halloween, le 1er avril, la veille de Noël ou la Saint Valentin), vengeance d'un personnage brimé, caractérisation clichéique des victimes, élimination progressive de celles-ci, coup de théâtre final. Comme il se doit, l'assassin est l'un des membres du groupe menacé ; les meurtres sanctionnent des individus aux comportements répréhensibles, et les griefs du tueur sont ridiculement disproportionnés à sa fureur vengeresse.
A bien y regarder, le film est moins un « torture porn » qu'un revival des psycho-killers des années 1980, agrémenté d'emprunts au giallo (le look du tueur ; les éclairages bleutés) et à quelques œuvres plus contemporaines, comme Cube. En ce sens, il s'inscrit bien dans la lignée du premier Saw, qui définit l'imagerie du sous-genre sans en relever complètement (sur l'appartenance relative de Saw au « torture porn », voir la chapitre II de « Torture Porn : L'horreur postmoderne »). Il possède la même esthétique à la fois pénombreuse et glacée (beaucoup de scènes se déroulent dans des corridors et de grandes pièces vides, en particulier une cuisine carrelée de blanc, rappelant – en plus propre – la salle de bain de Saw), et abuse lui aussi du jump cut et des accélérés.


La légère originalité du film tient au profil de sa tueuse, Kathy (médiocrement interprétée par Georgia Mackenzie), véhiculant une image archétypale de la femme au foyer (son émission culinaire est extrêmement populaire à la télévision), et dont la vengeance, somme toute mesquine, se rapporte aux frustrations propres à la ménagère de la classe moyenne. Jalouse des femmes séduisantes et mieux classées professionnellement, détestant les hommes parce qu'ils la dédaignaient lorsqu'elle était une gamine obèse, mais méprisant ceux qui l'idolâtrent aujourd'hui pour sa célébrité, elle utilise les corps de ses ennemis/victimes comme ingrédients dans des recettes reprises de son show télévisé. Malgré son tempérament vindicatif, elle ne parvient pas à hausser son inspiration criminelle au-delà du triste horizon des fourneaux. Elle demeure ainsi piégée dans le rôle peu gratifiant qui lui fut assigné à l'âge adulte, et dans les ressentiments d'une enfance mal digérée. 


Le personnage pourrait être attachant si les auteurs s'étaient appliqués à le développer, au lieu d'attendre la séquence finale pour dévoiler sa vraie nature, par souci de fournir le twist obligatoire. Kathy explique alors les raisons de sa vengeance au dernier survivant, tout en rejouant pour lui son émission télévisée, avec des sourires de commande et en brandissant un carton de « chauffeur de salle » (« Applaudissez ! »). 
Ces dernières minutes font basculer le film dans la parodie Camp et lui donnent un parfum de hagsploitation imprévu – bien que Kathy n'ait pas l'âge requis pour entrer dans cette catégorie de films, son infantilisme prolongé et son association au stéréotype de la parfaite ménagère américaine l'apparentent à la Serial Mother de John Waters.


L'âge des victimes est un autre élément qui distingue Steel Trap des slashers traditionnels. Au lieu des habituels teenagers à la libido débridée, Cámara met en scène de solides trentenaires, ayant depuis longtemps rompu avec les émois de l'adolescence. La fixation de Kathy sur ses (mauvais) souvenirs d'enfance contraste avec le peu de cas que ses anciens camarades font de leur passé commun (aucun d'eux ne la reconnaît), et cette indifférence envers leur jeunesse constitue peut-être à ses yeux un autre motif de vengeance.
Ces pistes ne sont néanmoins que timidement explorées, et le film, bien que distrayant, ne quitte jamais le terrain balisé du thriller horrifique référentiel.

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