jeudi 17 septembre 2015

BREATHING ROOM (John Suit, Gabriel Cowan, 2008)




L'un des repompages les plus éhontés de Saw, Breathing Room emprisonne quatorze personnes dans une vaste pièce où elles doivent découvrir la raison de leur enfermement – et le moyen de s'enfuir. Observés par un maître du jeu qui leur délivre des messages par vidéo-projection, ces participants involontaires à une expérience nébuleuse sont tués l'un après l'autre lorsque s'éteignent les lumières de leur geôle. Des colliers envoyant des décharges électriques garantit leur respect des règles imposées par le surveillant. Ce dernier les informe qu'un violeur, un pédophile et un tueur en série se trouvent parmi eux, ce qui accroît le climat de suspicion entre les détenus. Lorsqu'il ne reste que deux personnes en vie, nous apprenons – sans réelle surprise – que l'une d'elles est complice de l'expérience, en l'occurrence le numéro 14, Tonya (Ailsa Marshall), dont l'entrée dans le « jeu » ouvrait le film. Elle quitte la pièce après avoir tué le dernier survivant, et s'apprête à renouveler l'expérience avec d'autres cobayes.


Les questionnements kafkaïens propres aux films d'incarcération du type Cube et Saw – « Pourquoi sommes-nous détenus ? Qu'attend-on de nous ? » – trouvent ici une non-résolution particulièrement frustrante, tant pour les protagonistes que pour les spectateurs. Suits et Cowan éludent toute explication quant à la nature de l'expérience dont les prisonniers sont les sujets ; ils ne révèlent pas davantage qui en est le commanditaire (l'état ou un organisme indépendant ?). Loin d'entretenir une angoisse métaphysique, cette irrésolution laisse la fâcheuse impression que les auteurs ne savent comment justifier leur idée de base.
La procédure du « jeu » est elle-même nébuleuse : quelle en est la finalité, quels en sont les enjeux ? L'importance de l'observance des règles est rappelée avec insistance, mais ces règles ne sont jamais formulées clairement et ne correspondent à aucune stratégie définie. Le maître du jeu indique que seules les personnes ne portant pas de collier électronique peuvent agir à leur guise sans s'exposer à des pénalités ; mais quand le numéro 0, Robert (Steve Cembrinski), est libéré de son collier, il n'en est pas moins égorgé après avoir élaboré un plan de fuite. Du reste, ceux qui obéissent aux règles sont également éliminés.


L'usure d'un sujet traité une vingtaine de fois à l'écran depuis Cube (et presque autant auparavant) pouvait être compensée par un traitement imaginatif. Elle est ici soulignée par un total désintérêt envers les implications de la situation, une paresse scénaristique qui confine au je-m'en-foutisme. Les incohérences foisonnent : ainsi lorsque Tonya, seule dans la salle d'eau, découvre dans son sac un dictaphone, une demi-clé et une photo d'elle-même, son étonnement est totalement injustifié : complice de l'expérience, elle n'a aucune raison de simuler la surprise, puisque personne ne l'observe.


Les références appuyées à Cube et à Saw (les indices sibyllins ; la méfiance des personnages entre eux ; les interventions vidéo du maître du jeu), ainsi qu'au Battle Royale de Kinji Fukasaku (les colliers électroniques), ne font que trahir l'indigence du projet, sans former une structure narrative solide. Tout aussi plaquées et attendues sont les allusions aux persécutions juives et aux tensions raciales (la prisonnière n°4 est une rescapée de la Shoah ; les numéros 10 et 13 sont afro-américains) ; elles ne dépassent pas le stade de l'anecdote et n'ont jamais la résonance qu'Eli Roth sut leur donner, sans les citer nommément, dans les deux premiers Hostel. L'ignorance où nous sommes des tenants et aboutissants de l'expérience rend illisible le personnage de Tonya, fausse héroïne et traitresse arbitraire. Elle cristallise néanmoins, comme le souligne Steve Jones, deux des enjeux majeurs du « torture porn » : la réversibilité des rôles d'oppresseur et d'opprimé, et le dépassement de la dichotomie victime/bourreau 1.

1 Steve Jones, Torture Porn, Popular Horror After Saw, Palgrave Macmillan, 2013, p.85.

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